Au Nigéria, la flambée de violence qui se traduit par des chiffres incroyables pose une question: celle de la complexité de l’évaluation du nombre de chrétiens tués ou enlevés pour leur foi.
Selon nos recherches, 4.726 chrétiens ont été enlevés et 5.014 ont été tués en un an au Nigéria. Ces chrétiens ont-ils été kidnappés ou assassinés à cause de leur foi, comme nous pouvons l’affirmer grâce à nos recherches menées sur le terrain? Ou bien est-ce à cause de problèmes ethniques ou de motifs crapuleux? Les causes de la persécution peuvent être multiples et complexes: combinaison de motivations religieuses, politiques, ethniques, économiques, etc. Mais les faits de persécution que nous retenons dans l’Index découlent de motivations principalement religieuses.
Des djihadistes et non des «bandits»
Certes, dans sa propagande, le gouvernement nigérian traite les djihadistes qui s’en prennent aux chrétiens de «bandits». C’est un moyen commode de camoufler le problème de la persécution religieuse derrière les actes supposés de criminels avides de richesses. Certains médias nigérians utilisent eux aussi de plus en plus le terme «bandits» pour désigner les actions terroristes. Ceci afin de masquer la véritable nature de ce qui se passe dans leur pays.
Or les rapports de l’ORFA (Observatory of Religious Freedom in Africa), organisme indépendant dont nous utilisons les chiffres dans le cadre de l’Index, montrent une réalité: ces «bandits» sont des acteurs liés au djihadisme. Les meurtres ou les enlèvements uniquement dus à des problèmes ethniques ne sont pas inclus dans ces rapports, qui distinguent les meurtres et enlèvements liés à la foi de ceux non liés à la foi.
Quant aux faits de persécution que nous relatons dans les articles de notre site web ou de notre magazine, ils sont liés à des motifs religieux.
Des exemples qui parlent d'eux-mêmes
Nous n’avons pas les détails de chaque enlèvement ou assassinat de chrétiens. Mais voici des exemples significatifs récemment évoqués sur notre site. Par manque de place, nous n'avons pu en retenir que quelques uns.
Le 12 mai 2022, Deborah Yakubu, une étudiante chrétienne de l'État de Sokoto, a été assassinée de sang-froid par ses camarades musulmans, suite à un commentaire sur WhatsApp, considéré comme une insulte à l'islam. Elle avait écrit «Jésus est le plus grand»...
Juste avant Noël, des tribus peules ont attaqué divers villages chrétiens dans les États de Kaduna et de Enugu. D'après nos sources, des hommes armés seraient entrés dans les villages en tirant, puis auraient crié «Allahu Akbar» («Allah est grand»). On déplore une cinquantaine de morts en tout, et une centaine d’habitations détruites. Les chrétiens de la région soupçonnent que ces attaques s’inscrivaient dans une campagne ciblée, destinée à perturber les célébrations chrétiennes de Noël.
La plupart des 276 jeunes filles enlevées à Chibok par Boko Haram étaient chrétiennes. Plusieurs de celles qui ont réussi à s’échapper ces derniers mois racontent qu’elles ont été violées, mariées de force à des djihadistes et converties de force à l'islam. Les motivations religieuses apparaissent comme le mobile principal des ravisseurs. Car l’objectif des extrémistes islamiques est de s’en prendre aux femmes pour affaiblir, voire éliminer l'Église. Comme l'explique
un partenaire de Portes Ouvertes au Nigéria:
«Cela fait partie de la stratégie visant à détruire totalement les communautés chrétiennes. S'ils ne trouvent pas d'hommes à tuer, ils violent les femmes. De cette façon, ils dévastent durablement des familles chrétiennes.»
En ligne de mire: la croissance de l’islam aux dépens du christianisme, dans un pays où les deux religions comptent un nombre très proche de fidèles.
Des mafieux qui crient «Allahu Akbar»?
Les djihadistes qui attaquent les villages chrétiens en criant «Allahu Akbar» ne sont pas des groupes mafieux. Même s’ils dérobent les biens de celles et ceux qu’ils tuent, violent ou kidnappent, quand ils n’arrivent pas à les convertir à l’islam. C’est le cas par exemple du jeune Manga et de sa famille. Les biens de ces chrétiens nigérians ont été volés par les terroristes de Boko Haram, qui ont assassiné le père du jeune homme qui refusait de renier Jésus. Puis ils ont tenté de tuer Manga et ses frères pour les mêmes raisons. Quelque temps après, ils ont enlevé leur mère, qui a fini par s’échapper. Manga commente: «Dans Timothée 3.12, il est dit que tous ceux qui veulent vivre pieusement en Jésus-Christ seront persécutés. Ce qui veut dire que si nous gardons notre identité de chrétiens, nous serons toujours persécutés, d’une façon ou d’une autre.» Son témoignage qu'il a partagé lors de notre dernier Week-End Annuel, ne laissait pas l'ombre d'un doute: sa famille a été attaquée pour sa foi en Jésus.
Les enlèvements ou assassinats ciblés de prêtres et de pasteurs montrent que les «bandits» sont bien motivés par des motifs religieux et pas par le seul appât du gain ou des raisons «ethniques». Les chrétiens ne sont pas des cibles parmi d’autres de « bandits » mais les cibles privilégiées des djihadistes. À la Pentecôte, une église a été attaquée et il y a eu au moins 50 morts. Certes, les motivations des assaillants n'étaient pas exclusivement religieuses. Mais le fait qu'ils aient ciblé une église et assassiné des fidèles ne tient pas au hasard. La flambée de violence djihadiste au Nigéria traduit une volonté d'expansionnisme qui menace chaque jour davantage les chrétiens. Et même les demandes de rançons ne sont là que pour financer ce projet de conquête islamique aux dépens de l'Église.
Le 6 juillet dernier, des hommes armés ont attaqué le révérend Umaru et sa famille dans le Nord-Est du Nigéria. Le...