L’impact de la mobilisation en faveur de la liberté religieuse en Iran peut sembler discret. Pourtant, un juge iranien à la retraite témoigne de l’influence réelle de la pression internationale.
Sous les feux de l’actualité depuis le début des manifestations en faveur des droits des femmes, l’Iran inquiète, suscite prières, mobilisations et plaidoyer. Or, il semble que la pression internationale ait une certaine efficacité… sur le long terme.
Un juge iranien à la retraite, Alireza Mirkamali, a «avoué» fin décembre aux médias d’État que si l’apostasie et la lapidation n’ont jamais intégré le code pénal iranien, c’était grâce à la pression internationale: «J’ai participé au processus de révision du code pénal islamique, auquel l’apostasie devait être intégrée. Mais elle a été laissée de côté par peur des pressions internationales», a-t-il affirmé lors d’une table ronde. Il y a dix ans, en effet, l’apostasie et la lapidation auraient dû être inscrites dans le nouveau code pénal à l’occasion de sa révision. Mais les juges ont préféré ne pas aller au clash avec la communauté internationale.
En mémoire de Hossein Soodman
Certes, les tribunaux peuvent toujours condamner à mort pour «apostasie» (le fait de quitter l’islam pour une autre religion): ils peuvent invoquer la charia à travers l’article 167 du code pénal. Mais ils ne l’ont fait que trois fois en 33 ans: en 1990, en 1994 et en 2020. Et une seule et unique exécution a eu lieu: celle du pasteur d'arrière-plan musulman Hossein Soodman en 1990.
Depuis, il semble que la pression internationale fonctionne, au moins en sourdine. Face à la sanglante répression des manifestations depuis septembre, aux condamnations à mort et aux exécutions de certains manifestants, la communauté internationale a haussé le ton. Le Conseil des droits humains de l’ONU a voté, fin novembre, la création d’une «mission pour établir les faits». Ceci pour prouver et documenter les allégations de violations des droits humains. Et début janvier, le pape François a directement condamné l’usage de la peine de mort, notamment en Iran, dans un discours officiel:
«J’appelle de mes vœux la fin de la peine de mort, qui est toujours inadmissible, puisqu’elle attaque l’inviolabilité et la dignité de la personne.»
Bien que la présence catholique en Iran soit ultra-minoritaire, le pape y a toujours exercé une diplomatie active: pour défendre les chrétiens emprisonnés, comme Mehdi Dibaj, condamné à mort pour apostasie, puis libéré, mais assassiné dans la rue; ou Maryam Rostampour et Marzeyeh Amirizadeh, libérées après neuf mois de détention.
Changer de religion est interdit
Dans sa Constitution, l’Iran reconnaît quatre religions: l’islam, le christianisme, le judaïsme et le zoroastrisme. Par contre, il est interdit de changer de religion, de ne pas en avoir ou d’être Baha’i (une religion issue d'une scission avec l'islam). Celles et ceux qui enfreignent ces règles peuvent être persécutés, harcelés, arrêtés, détenus, torturés, on peut leur refuser d’aller à l’école et confisquer leurs propriétés. Les chrétiens légalement autorisés, c’est-à-dire ceux qui ne se sont pas convertis de l’islam et ne parlent pas la langue perse, risquent les mêmes vexations. Simplement parce qu’ils sont minoritaires. C’est pourquoi l’Iran est classé au 8e rang de l’Index Mondial de Persécution des Chrétiens
Mais les récents propos du juge Alireza Mirkamali, sans doute à son corps défendant, nous encouragent à maintenir la pression internationale. Notamment en signant des pétitions, comme nous vous y encourageons régulièrement. Car l’influence de ces actions est discrète, mais bien réelle. Si l’impact de ces différents plaidoyers n’est pas visible tout de suite, il est possible que nous apprenions dans quelques années tout ce qui aura été évité grâce à notre mobilisation.