Des dizaines de morts, des milliers de bâtiments incendiés et des dizaines de milliers de déplacés internes... Comment expliquer les violences qui ont éclaté dans l'État du Manipur en Inde et qui ont notamment frappé les chrétiens?
En mai dernier, au Manipur (Inde), des groupes extrémistes de la majorité hindoue des Meiteis s’en sont pris avec une grande violence aux minorités chrétiennes de l'ethnie Kuki. Les chrétiens déplorent environ 80 morts, 350 églises incendiées, et plus d'un millier de maisons détruites. Parmi les victimes, les plus riches ont fui en avion vers les États voisins. Mais les plus modestes vivent aujourd’hui dans des camps de réfugiés dressés par l’armée indienne, impuissante à empêcher ces violences.
«Les seuls endroits sûrs sont les camps»
Notre partenaire Ngai Elam (pseudonyme), qui réside au Manipur, confirme que «les meiteis continuent d'attaquer et de tirer chaque jour pour terroriser les populations tribales. Les femmes et les filles sont harcelées et abusées sexuellement, les hommes de plus de 18 ans sont entraînés au maniement des armes par les groupes d'insurgés. Les seuls endroits sûrs pour les tribus sont les camps de réfugiés.» Alors que les églises ne sont ouvertes que pendant quelques heures dans les zones sûres, les autres activités chrétiennes sont interrompues. Comment en est-on arrivé là?
Un statut de minorité pour la... majorité ?
Si la tension entre les deux ethnies était palpable depuis plusieurs décennies, les violences n'ont éclaté que récemment. Suite à une décision de justice compliquée, les autorités locales ont décidé d’accorder le bénéfice du statut de «minorité répertoriée» à… la majorité meitei. Ce statut permet d’avoir des emplois réservés (sorte de quotas par discrimination positive) dans le service public. L’objectif au niveau national étant d’aider les minorités à sortir de leur situation défavorisée. Dans le cas du Manipur, cette décision impliquait l'octroi à la communauté meitei de terres appartenant historiquement aux membres de la tribu kuki. Ces derniers, véritablement minoritaires et discriminés, ont vécu cette situation comme une injustice de plus. Ils ont manifesté leur mécontentement pacifiquement, puis des violences ont éclaté.
Flambée de violence
Cette situation de violences interethniques généralisées, a constitué une occasion pour des extrémistes meiteis d'attaquer les églises. Les bâtiments des chrétiens kukis, mais aussi des quelques meiteis hindous convertis au christianisme, ont été visés. Des chrétiens, tant kukis que meiteis, ont été contraint de quitter leur domicile et ont reçu des pressions pour se convertir à l'hindouisme. Un groupe extrémiste chercherait même activement à identifier les responsables d'églises pour attenter à leurs vies.
À cela s’est ajouté une décision de la Cour Suprême de l’Inde qui annulait la décision de la Cour locale: la majorité meitei ne devait donc plus obtenir le statut de «minorité répertoriée». Prévoyant une flambée de violence en représailles, l’État fédéral a envoyé l’armée sur place. Objectif: protéger la minorité kuki majoritairement chrétienne. Mais même l’armée n’a pas pu empêcher les assassinats, les incendies criminels et autres déferlements de violence! Les autorités, locales et nationales, parviendront-elles à calmer le jeu d’ici les élections générales de l’année prochaine? Même la visite du Ministre de l'Intérieur la semaine dernière n'a pu changer la situation.
Yohan (pseudonyme), un partenaire de Portes Ouvertes sur place, s’inquiète:
«Si la situation continue ainsi, la guerre civile est inévitable.»
Ashish, un chrétien local, analyse la situation:
«Détruire des églises est un acte qui consiste à se moquer des tribus locales, de leur identité et de leur Dieu.»
«Priez pour les chrétiens du Manipur.»
Aujourd’hui, plus aucun culte n’a lieu. De même, tous les établissements scolaires, qu'ils soient laïcs ou religieux, sont fermés.
Richard, Meitei converti au christianisme, témoigne: «La violence qui se déroule sous nos yeux est inexplicable. Nous ne pouvons pas nous arrêter de pleurer. Que l’Éternel sauve son peuple!» Quant à Kuber, chrétien de la tribu kuki, il implore: «La plupart des fidèles sont traumatisés. Nous avons besoin de prières. Priez pour la situation, et priez pour les chrétiens du Manipur», conclut-il.
Les chrétiens indiens sont descendus dans les rues de New Delhi pour protester contre la persécution qu'il subissent.