Jamais auparavant, dans cette région-ci du Mexique, les autorités n’avaient prêté tant d’attention à une question religieuse.
C'est une victoire sans précédent pour les chrétiens issus des tribus amérindiennes au Mexique.
Un chrétien d’une petite ville de l’État mexicain du Guerrero vient d’obtenir gain de cause en justice contre deux membres de sa famille proche, qui avaient exigé son expulsion de la communauté dans laquelle ils vivent en raison de sa foi religieuse.
Cirilo Gregorio Peñafort subissait une pression terrible de la part de son frère Antonio. Ce dernier se trouve être l’agent municipal de la communauté indigène de Monte de Pinos et ses quelques 60 habitants, appartenant tous à la tribu ethnique des Mixtèques. Qui plus est, le propre père des deux hommes encourageait son fils à exclure Cirilo et sa famille.
Celui-ci, qui était venu à la foi chrétienne il y a trois ans, avait perdu ses deux petits-fils, l’aîné âgé de deux ans et l’autre d’à peine dix mois, dans un tragique accident de la route qui s’était produit en février dernier, dans une autre collectivité.
Un terrible accident interprété comme un châtiment
Alors que leur père travaillait dans les champs, les enfants étaient en train de jouer, non loin de lui ; mais bien trop près d’une route de campagne. Soudain, une voiture renversa les deux garçons, qui périrent presque sur le coup. Et lorsque le fils de Cirilo – le père des enfants – était revenu à Monte de Pinos pour les funérailles, nombre de résidents s’étaient mis à répandre l’idée que l’accident était un châtiment, car leur grand-père avait renoncé à la religion syncrétique traditionnelle (mélange de rites catholiques et de croyances ancestrales coutumières) pour la foi chrétienne.
Suite à ces rumeurs, les autorités locales avaient réclamé que Cirilo dirige la grande fête annuelle de la ville en juin, en l’honneur de la Vierge Carmen. Il avait refusé, non seulement parce que cette pratique était contraire à ses propres croyances chrétiennes évangéliques, mais aussi parce qu’elle était trop chère à financer. En effet, chaque responsable du festival est tenu de prendre à sa charge l’intégralité des dépenses cérémoniales, qui peuvent s’élever jusqu’à 150.000 pesos mexicains (environ 6.000 euros).
«Dans ce genre de fêtes, on tue un bœuf, il y a de la bière et des sodas à volonté, et on fait même venir un groupe de musique. Le problème, c’est que je suis un paysan pauvre, et que je n’ai absolument pas les moyens de payer tout ça,» avait déclaré Cirilo en mai dernier, au journal local Voces de Guerrero.
Eau potable coupée et menace d'expulsion
Confronté à la perspective de son «déplacement» imminent, il s’était alors tourné, dans un besoin désespéré, vers les autorités de plusieurs villes entourant l’État du Guerrero, dont celle de Dos Ríos, où son frère s’était rendu auparavant pour demander son expulsion. Entre-temps, les chefs de cette localité avaient fait couper la distribution d’eau potable chez Cirilo, et menacé d’en faire autant pour l’électricité. Ils lui avaient également défendu d’inviter d’autres chrétiens chez lui.
Son appel au secours ne resta pas bien longtemps sans réponse. Le pasteur Sergio Ziga Mier de Dos Ríos décrit le pas en avant fait par les pouvoirs publics en sa faveur comme «sans précédent», ainsi qu’un événement «historique». «Jamais auparavant, dans cette région-ci du Mexique, les autorités n’avaient prêté tant d’attention à une question religieuse,» nous expliquait le responsable d’église. «Jamais nous n’avions vu tant de responsables locaux venir dans notre communauté pour régler le problème, » avait-il ajouté.
Les négociations ont abouti
En mai dernier, 60 personnes – parmi lesquelles des dirigeants communautaires, municipaux et même nationaux – ont pris part à la première session de dialogue et de médiation encouragée par la Délégation aux Droits de l’Homme, dans la ville d’Ometepec, siège de la municipalité éponyme. Un représentant de Portes Ouvertes en Amérique du Sud était également présent.
Au cours de ces pourparlers et de rencontres ultérieures, les chefs de la collectivité de Cirilo ont finalement consenti à lever l’ultimatum qu’ils lui avaient imposé d’endosser le rôle d’organisateur du festival en juin. Cirilo a échappé à l'expulsion de son village natal, et l’ensemble des parties concernées ont également signé un document par lequel elles se sont engagées à respecter les croyances de chacun, les droits ainsi que la liberté de culte.