L'ordre vient de la Cour de Justice de la CEDEAO: l'État du Nigéria est sommé d'enquêter sur les massacres et destructions perpétrés en 2016 dans l'État de Benue et de sécuriser les populations. De nombreux chrétiens avaient été tués.
Le verdict est tombé le 28 février dernier: selon le tribunal de la CEDEAO, le gouvernement nigérian a failli dans son obligation de défense des Droits de l'Homme. La décision du tribunal lui demande:
- d'enquêter sur les massacres et les destructions massives perpétrés en 2016 à Agatu, dans l'État de Benue. Le but de cette investigation est d'identifier et de poursuivre les malfaiteurs et d'indemniser les victimes.
- de désormais assurer une sécurité adéquate en déployant davantage de personnel et de moyens de sécurité pour protéger la communauté et prévenir d'éventuels actes de violence.
Aucune réponse officielle de la part du gouvernement n'a été donnée pour l'instant, mais il se défend de «toute responsabilité quant à un conflit inter-ethnique».
En 2016 à Agatu, des centaines de villageois chrétiens ont été tués
Dans la nuit du 21 février 2016, plus de 500 personnes avaient été tuées dans la zone principalement chrétienne d'Agatu, dans l'État central de Benue, au Nigeria. Au moins 20 000 personnes ont été déplacées.
En voyant la ruine infligée à la communauté d'Agatu, Angele Dikongue Atangana, représentante du Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés au Nigéria et de la Communauté économique des États de l'Afrique de l'Ouest, a déclaré:
«En 20 ans de travail humanitaire, je n'ai jamais vu un tel niveau de destruction.»
Dans les semaines qui ont suivi, les chrétiens, désemparés, ont même découvert des fosses communes dans lesquelles se trouvaient les corps de leurs proches.
Une reconnaissance des souffrances de victimes
Malgré les très nombreuses victimes, les crimes sont restés jusque là impunis. Le prêtre Solomon Mfa et onze autres personnes ont donc intenté une action en justice à l'encontre du président du Nigéria, de l'inspecteur général de police, du chef d'état-major de l'armée et du ministre de l'intérieur. Une action qui a porté ses fruits.
Bien qu'il n'y ait aucun moyen pour le tribunal de forcer le gouvernement nigérian à appliquer sa décision, ce verdict est une reconnaissance des souffrances des communautés affectées par de terribles violences. Pendant des années, ces communautés, majoritairement chrétiennes, ont constaté un manque de mesures gouvernementales pour les protéger. Elles ont également estimé que le manque de réaction du gouvernement concernant la recherche et la punition des agresseurs avait conduit à un climat d'impunité.
En trois ans de violences, l'étendue des dégâts est immense
Ces trois dernières années, 50 attaques ont été lancées contre des communautés de l'État de Benue. Les plaignants estiment que plus de 1000 personnes ont été tuées dans tout l’État. De nombreuses maisons, des écoles, des fermes ont été incendiées, et beaucoup de biens ont été détruits.
C'est le 21 février 2016 que les nomades peuls ont commencé leurs attaques dans l'État de Benue. Ils ont d'abord ciblé plusieurs villages, chrétiens pour la plupart, avant de se rendre dans la communauté d'Agatu.