Tout commence en Chine, le jour de son arrestation. So Young rejoint une étude biblique pour femmes nord-coréennes, sans savoir que celles-ci ont toutes été arrêtées la veille. «Quand j’ai ouvert la porte, quelqu’un m’a attrapé les mains: c’était un policier. J’étais sous le choc, paralysée.» So Young est incarcérée pendant une semaine, et soumise à des interrogatoires: pourquoi est-elle venue en Chine? Est-elle mariée? Pourquoi voulait-elle participer à une étude biblique?

So Young, qui connaît le sort réservé aux chrétiens en Corée du Nord, nie tout en bloc. Alors qu’elle est mariée à un chrétien, et mère d’un enfant, elle préfère les protéger et ne pas révéler leur existence. Elle affirme donc qu’elle est célibataire, qu’elle est juste venue rendre visite à une amie et qu’elle n’a jamais entendu parler d’études bibliques. Comme les policiers ne peuvent rien prouver d’autre, ils referment le dossier et… la renvoient en Corée du Nord.

Réfugiés ou immigrés clandestins?

À ce stade, si So Young avait eu la possibilité de fuir dans un autre pays, elle aurait pu y demander l’asile politique. En effet, l’article 14 de la déclaration universelles des Droits de l’Homme garantit à toute personne la possibilité de demander l’asile. La Chine étant signataire de cette déclaration, elle devrait donc reconnaître le statut de réfugié politique aux personnes fuyant la Corée du Nord. Mais tel n’est pas le cas. «La Chine ne les considère pas comme des réfugiés qui ont besoin de protection, explique Simon Lee, coordinateur du ministère de Portes Ouvertes en Corée du Nord, mais comme des immigrés clandestins qui doivent être renvoyés chez eux.»

Cinq ans de travaux forcés

So Young est donc menottée et transportée jusqu’à un pont à la frontière, où des policiers nord-coréens l’attendent. Lors de son interrogatoire par l’Agence secrète de sécurité (ASS), elle affirme qu’elle est partie en Chine pour gagner de l’argent. Comme les autorités ne soupçonnent pas sa foi chrétienne, elle est condamnée à «seulement» cinq ans de travaux forcés dans un bagne! Si sa foi avait été découverte, elle aurait été condamnée à la même peine mais... à perpétuité.

Les conditions de vie dans le camp sont terribles et comptent plusieurs heures de «rééducation idéologique» tous les soirs. So Young se souvient:

«Nous dormions à même le sol, sans couverture. On nous forçait à rester deux à trois heures par jour sous la pluie.»

La plupart des détenues travaillant à la mine n’avaient que quelques mois d’espérance de vie. So Young a eu la chance d’être affectée à la fabrication de perruques, ce qui lui donnait plus de chance de survie.

Retrouvailles familiales

Au bout de cinq ans, So Young a été relâchée, et elle s’est de nouveau enfuie en Chine, où elle a pu retrouver son mari et son fils. Ensemble, ils ont réussi à trouver refuge en Corée du Sud. Aujourd’hui, ils vont bien. Mais leur histoire aurait pu être si différente si la Chine reconnaissait le statut de réfugiés aux exilés nord-coréens.