Alors que l’élection présidentielle vient d’avoir lieu ce dimanche 28 juillet, le président sortant Nicolas Maduro aurait été réélu. Ce résultat est contesté par l’opposition, suivi de manifestations et accueilli diversement au sein de la communauté internationale. Mais comment l’Église vénézuélienne a-t-elle vécu cette période électorale?

Augmentation de la persécution pendant la campagne

Portes Ouvertes a noté une augmentation du nombre de faits de persécution pendant la période électorale. La persécution prend essentiellement la forme de harcèlement des responsables religieux qui expriment une opinion considérée comme une critique par les autorités.

Le pasteur Dario (pseudonyme) a ainsi reçu la visite d’un représentant du parti au pouvoir dans son église, il y a quelques semaines. Celui-ci l’a accusé d’être un opposant politique et lui a annoncé qu’il enquêtait sur son compte. 

Aujourd’hui, le pasteur a peur pour sa sécurité, sachant qu’il est sous surveillance et que son téléphone est sous écoute. Il plaide pourtant: «Je n’ai jamais été engagé en politique. J’ai mes opinions, mais je n’ai jamais incité personne à les suivre».

Des pressions politiques

Le pasteur Abel (pseudonyme) rapporte le dilemme des fidèles de son église : voter contre le gouvernement c’est risquer la persécution, surtout si l’on travaille dans une institution publique.

À la veille de la campagne, certaines églises se sont vu proposer un certain nombre d’avantages de la part du gouvernement, en échange de soutien à son action. Plusieurs pasteurs qui ont refusé l’offre dénoncent désormais des représailles contre leurs églises. Le pasteur Dario témoigne :

«Ils nous ont fait miroiter la possibilité d’avoir une église bien équipée, mais nous n’avons pas accepté. C’est pourquoi ils ont coupé notre accès à l'électricité».

«Je me suis senti mal à l’aise car je ne peux pas avoir mon propre jugement libre», développe-t-il.

La position de l’Église

Selon une étude de 2020 du Pew Research Center, environ 45 % des chrétiens du Venezuela se sentent divisés, au sein de leurs congrégations, en raison de leurs positions politiques.

«En tant que pasteur, je ne peux pas m'impliquer.», a répondu Dario lorsque certains fidèles lui demandaient pour qui voter. De fait, la position de la plupart des responsables d’église a été plutôt prudente, par peur des représailles. Les églises comptent à la fois des membres pro-gouvernementaux et d’autres pro-opposition. Il y a toujours un risque que quelqu’un incrimine un responsable d’église devant la police vénézuélienne. Dario va plus loin:

«Ma mission est de mobiliser les gens pour apporter le message d'espoir, le message du Christ».

Cependant, malgré les menaces, les églises chrétiennes et catholiques ont encouragé leurs membres à prier pour leurs dirigeants. La Conférence Épiscopale Vénézuélienne a publié plusieurs déclarations exhortant les citoyens à voter et à défendre leurs droits démocratiques.

Informations complémentaires à la date du 2 août: Suite aux résultats, les églises sont divisées. Certaines soutiennent ouvertement le gouvernement. Mais la majorité des chrétiens (55% selon le Pew Research Center) sont désillusionés. Adelina (pseudonyme), responsable pastorale, l'exprime: «Nous ressentons de la tristesse, de la déception, de la trahison et du découragement. Pire encore est l'incertitude».

Beaucoup craignent que la répression ne s'intensifie contre ceux qui n'ont pas voté pour le président sortant. «C'est terrible ce sentiment de ne pas savoir ce qui va se passer», confie Fabricio (pseudonyme), membre d'une église venezuelienne. 

Et un pasteur de s'exprimer sur les réseaux sociaux: «Donne-nous ta paix incomparable, Seigneur, renouvelle notre force, inonde-nous de silence et donne du repos à chaque cœur vénézuélien. En toi est notre espérance».