En Bolivie, les chrétiens qui ne souhaitent pas soutenir une cause politique sont victimes de représailles.
La Bolivie est à feu et à sang depuis le 14 octobre, et aucune accalmie ne semble possible jusqu’aux élections présidentielles de 2025. Des manifestations gigantesques bloquent le pays, ses routes et son économie, en soutien à l’ancien président Evo Morales, accusé de viol au niveau judiciaire. De nombreux chrétiens dans le pays ne souhaitent pas s’impliquer dans la controverse politique, et ne prendre parti ni pour Evo Morales, ni pour l’actuel président Luis Arce. Ces chrétiens qui refusent de prendre position politiquement subissent des représailles de la part des deux camps.
Menaces et amendes
Les témoignages qui nous parviennent ne sont pas rassurants. Ainsi, Tania (pseudonyme), une femme âgée d’une zone rurale, a-t-elle confié ses malheurs à son pasteur. Un groupe de partisans de Morales lui a récemment rendu visite à domicile, menaçant de fermer son église si elle ne participait pas aux manifestations. «Pasteur, ils nous y obligent» s’est plainte Tania.
«Ils nous ont dit que si nous n’allions pas manifester, ils fermeraient l’église» - Tania
Vladimir (pseudonyme), quant à lui, chrétien depuis une dizaine d’années, a également reçu la visite des partisans de Morales. «Ils ont exigé que, pendant deux jours, je participe aux manifestations et aux blocages organisés par les syndicats. Si je n’y participe pas, je devrai payer une amende de 400 bolivianos» (environ 55 euros, soit dix jours de travail pour un paysan, ndlr).
Intimidations
Face à ces intimidations, les pasteurs doivent faire des choix courageux. Ainsi, Faustino (pseudonyme), pasteur d’une communauté rurale, a-t-il été mis sous pression pour défendre les manifestants dans ses prédications. Fabricio (pseudonyme), quant à lui, devait reconnaître publiquement l’innocence de Morales sous peine que son église soit brûlée. Face à la peur répandue dans sa congrégation, il a préféré suspendre les cultes pour protéger ses fidèles. De son côté, Federico (pseudonyme) a dû se protéger de partisans du président Arce, qui s’étaient introduits dans son église avec violence, faisant d’importants dégâts matériels.
«Nous avons dû cacher les enfants pendant que les intrus tentaient de mettre le feu» - pasteur Federico
Heureusement, ils sont nombreux, comme Vladimir, à avoir pu suivre des formations organisées par Portes Ouvertes pour se préparer à résister aux pressions, à la fois sur le plan biblique et légal. «Nous ne participerons pas aux manifestations,» clame Vladimir. Mais nous nous attendons à ce que notre accès à l’eau potable soit coupé, en représailles.»
Traditions indigènes
Les chrétiens qui ne souhaitent pas se politiser craignent particulièrement une recrudescence de violences dans les zones rurales à majorité indigène, où l’ancien président compte de nombreux soutiens parmi les syndicats. Or souvent, ces chrétiens apolitiques ne souhaitent pas non plus se syndiquer.
Lorsqu’il était président, Evo Morales a fait la promotion des croyances ancestrales de son peuple et protégé les traditions indigènes. Or, ces croyances et ces traditions sont souvent incompatibles avec les convictions des chrétiens qui ne souhaitent pas pratiquer les rituels de la spiritualité indigène. La pression n’est donc pas uniquement politique. La liberté de religion est aussi en jeu.