Au Rwanda, plus de 8 000 églises ont dû fermer leur porte pour des «raisons de sécurité». Elles ont seulement 15 jours pour effectuer les travaux demandés. Des méthodes drastiques qui inquiètent les chrétiens.
Il semble que le paysage religieux soit en train de changer au Rwanda. Dans ce pays d'Afrique de l'Est, plus de 8 000 églises ont été obligées de fermer leur porte en vertu d'un tout nouveau projet de loi. Une décision drastique prise par le gouvernement qui semble se positionner de plus en plus vers une définition radicale de la laïcité, laissant de moins en moins de place à la religion dans l'espace public.
Une loi pas encore promulguée, mais déjà appliquée
Les églises rwandaises, toutes dénominations confondues, sont censées satisfaire à des «exigences de base en termes de sécurité, d'hygiène, d'infrastructure et de légalité». Celles-ci sont renforcées. Toutes les communautés sont invitées à suspendre leurs activités jusqu'à ce que des ajustements soient apportés dans leurs locaux.
Avec la fermeture de leurs églises, la vie quotidienne des communautés chrétiennes se complique : une assemblée doit maintenant se réunir dans le bâtiment d'une autre église dans un quartier voisin, les membres d'une autre congrégation doivent marcher 20 kilomètres pour se rendre à l'église d'une communauté riveraine... Un observateur local, qui a souhaité garder l'anonymat, a déclaré :
«Toutes les églises subissent le même sort, même les églises considérées comme 'luxueuses' selon les normes locales ont dû fermer.»
Seulement 15 jours pour effectuer les travaux
Les demandes de modifications concernent principalement la mise aux normes des lieux de culte et de leur accès. Le délai pour effectuer les modifications est de seulement 15 jours. Dans des bâtiments parfois rudimentaires, nombreuses sont les assemblées qui ne peuvent pas répondre à ces exigences dans les temps. Les communautés doivent aussi s’assurer de la formation théologique réglementaire des pasteurs et autres dirigeants.
Six pasteurs arrêtés pour
«complot»
En mars 2018, 700 églises de la province de Kigali avaient déjà dû suspendre leurs activités. Elles sont, pour beaucoup, pentecôtistes. Suite à cette première vague de fermeture, six pasteurs accusés d'avoir comploté contre les ordres du gouvernement avaient été arrêtés. Ils ont été libérés depuis. L'un d'entre-eux a expliqué que l'arrestation a servi d'avertissement sévère aux autres pour qu'ils ne résistent pas aux changements imposés par le gouvernement. Depuis, les responsables d'église sont inquiets.
Les églises moins visibles dans l'espace public ?
Au Rwanda, l'Église tendrait-elle à être de moins en moins visible dans l'espace public ? Plusieurs signes vont dans ce sens.
Par exemple, alors que la pratique était courante auparavant, il n’y a plus de réunions de prière dans les institutions gouvernementales. De même, les termes faisant référence à la foi chrétienne ont été retirés du préambule de la Constitution. Autre exemple : les routes principales sont désormais fermées deux dimanches par mois. De nombreux chrétiens ne peuvent plus rejoindre leur église ces jours-là et la fréquentation des assemblées baisse. Par ailleurs, durant les dernières commémorations du génocide rwandais, ni les pasteurs, ni les prêtres n'ont pu prendre la parole, et ce, alors même que des événements commémoratifs avaient lieu dans les églises.
Le Rwanda ne figure pas dans l’Index Mondial de Persécution des Chrétiens. 90% de sa population est chrétienne. Le droit des Rwandais à la liberté religieuse est accordé en vertu de l'article 37 de la Constitution de 2003, amendé en 2015.