Des manifestations violentes ont toujours lieu en ce moment même au Pakistan. Les extrémistes islamiques protestent contre la libération d’Asia Bibi. La minorité chrétienne est déjà visée. Témoignages.
Depuis l’annonce de la libération d’Asia Bibi hier, les extrémistes islamistes sont dans la rue. Dans de nombreuses villes du Pakistan, des manifestations ont éclaté et le gouvernement a du mal à contrôler la situation. La tension est si forte que le premier Ministre a dû intervenir à la télévision pour affirmer que la décision de la Cour suprême est définitive et appeler au calme :
«Le Pakistan a été fondé au nom de l'islam et le verdict rendu par la Cour suprême est conforme à la Constitution, qui est conforme aux enseignements du Saint Coran et de la sunnah.» Il a aussi vivement critiqué les protestations qui bloquent plusieurs villes du pays depuis hier.
« Il a dit aux extrémistes de quitter la route, mais il ne leur a pas interdit de persécuter les chrétiens. »
Les paroles du premier Ministre pakistanais ont cependant heurté les chrétiens. «Tout en regardant l'émission, je m’attendais à ce qu'il nous dise quelque chose de sympathique» nous a expliqué un chrétien sur place. «Il a déclaré que cela coûtait de l'argent à la nation car les activités des banques et du travail devaient s’arrêter en raison de ces manifestations.»
«Il ne s’est pas réjoui de la libération d’Asia Bibi. Il s’est montré indifférent aux risques encourus par la minorité chrétienne et n’a pas souhaité la rassurer. Son discours était froid et calculé.»
«Il a dit aux extrémistes de quitter la route, mais il ne leur a pas interdit de persécuter les chrétiens.»
Que se passera-t-il quand les extrémistes quitteront la route? Ils risquent d’attaquer les églises…
«Les islamistes veulent du sang,» continue le chrétien interviewé. «Quand ils quitteront la route, nous craignons qu'ils ne viennent dans les églises et ne les attaquent.»
C’est une simple dispute autour d’un verre d’eau qui a amené Asia Bibi, simple paysanne, en prison pendant 9 ans. Nul doute que si le blasphème avait été reconnu, elle aurait été condamnée à mort. Elle est libérée, mais jusqu’à la fin de sa vie, elle sera pourchassée, elle et toute sa famille. Les menaces sur la vie d’Asia Bibi sont si graves que rien ne filtre sur l’endroit où elle se trouve actuellement. Au Pakistan, les médias n'ont pas le droit de spéculer sur l'endroit où elle se trouve.
Si les extrémistes ne peuvent pas l’atteindre elle, ils essaieront d’atteindre la minorité chrétienne à laquelle elle appartient. Et c'est déjà le cas.
Les chrétiens subissent déjà les effets de la libération d’Asia Bibi
Plusieurs témoignages montrent que les chrétiens sont déjà visés, alors que les extrémistes les plus virulents n’ont pas encore quitté la rue.
- Une infirmière a dit : «Nous sommes tous harcelés sans merci ce matin. Ils essaient de nous distraire et de nous dire des choses pendant que nous administrons des médicaments, des injections ou d'autres processus sensibles. Quelqu'un a trafiqué ma trousse ce matin : on nous insulte et le stress monte en flèche. J'ai peur.»
- Un père de famille chrétien raconte : «Hier, je suis allé chercher mon jeune fils à l’école. Il a mis 15 minutes pour sortir : il avait si peur. Il se cachait dans une armoire de sa salle de classe. Il a attendu que les enfants soient partis et a couru jusqu'à la porte. Il ne savait pas pourquoi l'école était annulée pour la journée. Ces 15 minutes ont été les plus longues de ma vie. Je tremblais en l'attendant. Lundi, quand mon fils retournera à l'école, que va-t-il subir?»
- Une enseignante chrétienne a été mise à la porte d'un taxi Uber après que le chauffeur a découvert qu'elle était chrétienne. «J'étais au téléphone avec mon mari. J'ai terminé l'appel par "Jésus te gardera en sécurité". Les téléphones ont cessé de fonctionner et je n'ai pas pu joindre mon mari et mes enfants pendant des heures.»
- Un chrétien qui occupait un poste élevé dans une institution locale s'est fait signifier par son supérieur de rentrer chez lui. «C'était une note officielle disant que tous les chrétiens devaient rentrer chez eux. Etait-ce vraiment pour ma sécurité ? Ou était-ce une menace ? Aurai-je encore un emploi à mon retour au travail ? Je ne sais pas, je ne sais pas.»
La fin d’un calvaire de 9 ans pour Asia Bibi
Asia Bibi a passé la plus grande partie de sa détention en confinement solitaire. La plupart des femmes dans sa prison se réveillent avant 5 heures du matin pour leurs prières du matin. Les cellules sont alors déverrouillées et un petit déjeuner de thé et de roti (pain plat pakistanais) leur est donné. En prison, Asia Bibidevait préparer son propre repas pour éviter qu’elle ne soit empoisonnée.
Après le petit-déjeuner, la plupart des prisonnières étaient autorisés à se laver. Nous ne savons pas si Asia avait ce "privilège".
Le matin, les prisonnières devaient s'acquitter de leurs tâches quotidiennes telles que le nettoyage. Certains disent qu'Asia a dû accomplir les tâches les plus humiliantes. Elle n'aura désormais plus à le faire.