Dans les rues vides de Qamishli, au Nord-Est de la Syrie, Falit (pseudonyme) raconte ce jour où, avec ses amis, il a été attaqué par 3 terroristes de l’État islamique: «C’était en 2015. Une voiture est arrivée. 2 terroristes sont apparus. J’étais assis avec mes amis en face d'un magasin de téléphonie.»  

Perdre ses amis proches

«Ils ont commencé à nous tirer dessus. Tous mes amis ont été blessés. Je n’ai pas été touché, car je me suis jeté au sol, à plat ventre. Je suis resté ainsi pendant environ 20 minutes. 9 de mes amis proches ont été blessés et 3 sont décédés.»

D’une voix grave emplie de respect, Falit énumère les noms des 3 victimes: George, Touma et Karam. «Ils ont tous été abattus alors qu’ils tentaient de s’enfuir», explique-t-il. 

Cet homme a tout vu de ses propres yeux. Il a vécu cette expérience traumatisante, comme tant d’autres chrétiens syriens en ont vécu durant la décennie de la guerre civile.

 «C’est ici que mon ami George était allongé», indique Falit. «Il était avec mon ami Kachik, qui a essayé de l’aider. Mais les djihadistes lui ont aussi tiré dessus. George est mort et Kachik a été touché par 8 balles! Mais il n’est pas mort. Cette scène est gravée à jamais dans ma mémoire.»

Prier en attendant la mort

Pour Falit, l’attaque a paru durer des heures: «Après 20 minutes, des miliciens kurdes et des militaires syriens sont arrivés de plusieurs directions à la fois», se souvient-il. 

«Les terroristes ont continué à tirer et à lancer des grenades. Et à la fin, ils se sont fait exploser.»

Falit poursuit son récit: «J’avais l’impression d’être dans un film de guerre. C’était très difficile. Tout ce temps, je pensais que j’allais mourir. Et j’ai prié... J’attendais de passer d’un moment à l’autre de l’autre côté. Je me remémorais toute ma vie, mes péchés. Je priais dans les larmes, en demandant à Jésus de changer complètement ma vie et de faire de moi son serviteur. J’ai prié ainsi pendant 10 minutes.»

«Reste avec moi!»

Falit a alors remarqué un magasin proche de lui, dans lequel il pouvait se réfugier: «Kachik était auprès de moi, blessé. Il était entre la vie et la mort. Une balle a touché sa poitrine et il avait du mal à respirer.»

Quand une voiture s'est mise à flamber près du magasin, c’était une opportunité qui s’ouvrait devant eux. Protégés par la fumée, ils allaient pouvoir s’éloigner des combats et rejoindre l’armée syrienne. «J’ai donné à Kachik mon tee-shirt humide pour qu’il le mette sur sa bouche. Je lui répétais: "Reste en vie, s’il te plaît, reste avec moi!" Puis il y a eu une explosion. J’ai réussi à sortir du magasin, avec Kachik sur mon dos. Nous avons atteint les positions de l’armée syrienne, qui nous a pris en charge. Les soldats nous ont tous emmenés à l’hôpital. J’étais le seul à ne pas être blessé mais ils m’ont autorisé à rester avec mes amis. J’ai pris soin d’eux pendant 2 jours, puis je suis finalement rentré chez moi.»

La boutique que tenait Falit a été sérieusement endommagée. Pendant plusieurs mois, il a travaillé pour son église. Il a participé à la préparation et la distribution de colis d’urgence pour les nombreux Syriens touchés par la guerre: «Puis j’ai pu louer une boutique et y installer mon magasin», précise-t-il. 

Nouvelle attaque terroriste

Cet événement tragique n’est pas le seul que Falit ait vécu durant la guerre. À la fin de l’année 2019, plusieurs bombes ont explosé à Qamishli dans une attaque terroriste coordonnée. L’État islamique a revendiqué ces explosions: «Une bombe a explosé en face de ma maison et de mon église», raconte Falit. «Ils ont mis une voiture piégée juste à cet endroit. Je venais de quitter ma maison car je devais acheter quelque chose pour ma femme, enceinte et malade à ce moment-là. Puis j’ai entendu l’explosion. Je me suis retourné et j’ai vu un gros nuage de fumée. Immédiatement, j’ai compris que l’explosion s’était produite près de ma maison; donc j’ai couru vers les lieux du drame. Plusieurs miliciens kurdes couraient aussi dans la même direction. Je ne faisais pas attention aux débris de verre ou au feu: je voulais retrouver ma femme à tout prix. Les portes de la maison étaient détruites et les vitres aussi.» Falit précise: 

«Ma femme tremblait de peur et pleurait car elle pensait que j’avais été touché par l’explosion.»

Il a alors consolé son épouse et ils se sont rendus dans la maison de ses parents. «Plus tard, ma femme m’a raconté qu’elle était dans son lit quand la bombe a explosé», ajoute Falit. «Notre chambre est la seule pièce à ne pas avoir été endommagée. Tout le reste de ma maison a été détruit.»

Aidé de plusieurs amis, il a réparé les portes et les vitres brisées. «Ils savaient tous que ma femme allait accoucher. 2 jours après l’explosion, notre petite fille est née.»

La guerre en Syrie n’est malheureusement pas terminée. Malgré la défaite de l'État islamique, les attaques comme celles qu’a vécues Falit sont quotidiennes...