Ayoub travaille en Syrie auprès des chrétiens persécutés. Il nous livre ses réflexions sur ce que traverse son pays. Au delà de la souffrance, la Parole de Dieu lui donne toujours des raisons d'espérer.
Ayoub (pseudonyme), un de nos partenaires en Syrie, nous offre une méditation très personnelle, pleine de mélancolie et d'espoir, sur le psaume 88. Elle témoigne de la souffrance qu'il partage avec son peuple et de leur espoir qui demeure, après dix ans de guerre:
«En me promenant dans ma ville Damas, quand je regarde autour de moi, je vois des gens qui font la queue dans les rues pour avoir du pain! Je vois ces files d'attente sur le chemin du travail, tous les jours! La Covid-19? La distanciation sociale? Dans le cœur de la majorité des Syriens, cela résonne hélas comme une plaisanterie de mauvais goût! Se tourmenter à cause d'un virus? Ils ne peuvent s'en offrir le luxe, eux qui font la queue pendant des heures pour obtenir du pain, du carburant, du gaz, du riz et du sucre. Pendant qu'ils piétinent pour obtenir le nécessaire à leur survie, la monnaie continue son interminable cycle d'effondrement. Et leur maigre pouvoir d'achat devient de plus en plus faible d’heure en heure!
Nous, Syriens, avons l'impression de nous enfoncer dans un gouffre, dans les ténèbres, dans les abîmes. Nous sommes comme les morts qui reposent dans la tombe, abandonnés par nos compagnons, prisonniers, perdus dans le pays de l'oubli… Nous crions à Dieu comme l'auteur du Psaume 88.»
Psaume 88: un psaume mélancolique
«Ô Éternel! j'implore ton secours, et le matin ma prière s'élève à toi.
Pourquoi, Éternel, repousses-tu mon âme? Pourquoi me caches-tu ta face?
Je suis malheureux et moribond dès ma jeunesse, je suis chargé de tes terreurs, je suis troublé.
Tes fureurs passent sur moi, tes terreurs m'anéantissent;
Elles m'environnent tout le jour comme des eaux, elles m'enveloppent toutes à la fois.
Tu as éloigné de moi amis et compagnons; mes intimes ont disparu.» (Psaume 88, versets 13 à 18)
Ayoub continue:
«Ce texte est considéré comme le plus mélancolique de tous les psaumes. Presque tous les autres psaumes, même les plus tristes, se terminent sur une note d’espoir. Pas le Psaume 88: une fois sa lecture achevée, on ressent le besoin irrésistible de passer à un passage moins sombre et plus réconfortant!
Pourtant ce texte si mélancolique touche mon cœur: les cris du psalmiste, ceux qu'il a poussés il y a des siècles, ne sont-ils pas les mêmes que ceux de mes amis et voisins, aujourd'hui en Syrie? Et en les entendant pleurer, une partie de moi pleure avec eux. Oui, mes chers compatriotes syriens, ce sentiment d'être au bord du gouffre est obsédant. Et face à votre désespoir, je me sens parfois incapable de justifier l'espoir qui vit en moi... À tel point que j'ai du mal à savourer pleinement les moments privilégiés que me fait vivre mon ministère. Déborder d'espoir, dans un monde sans espoir, me semble indécent: c'est un luxe que je ne peux même pas partager!»
Des raisons d’espérer!
«Pourtant, même dans ce psaume si triste, il y a des raisons d'espérer! L’auteur ne le commence-t-il pas en s'écriant "Ô Seigneur, Dieu de mon salut...?" Bien qu'étant "au fond de la fosse", le psalmiste croyait encore en un Dieu souverain qui apporterait un jour le salut au monde. En filigrane de ces lignes apparemment désespérées, on peut lire le message d'espoir de l'Évangile.
Quant à nous, le tout petit reste de son peuple, nous avons encore plus de raisons d'espérer! Contrairement au psalmiste, nous ne croyons pas seulement que le Seigneur nous sauvera. Nous savons qu'Il l'a déjà fait! Et j'irai encore plus loin. Je sais qu'Il nous a sauvés. Et si pour l'instant nous sommes brisés, Sa lumière n'en brillera que d'avantage: d'ici, des fissures de la Syrie déchirée par la guerre, Sa lumière brillera toujours plus!
Je sais que cela semble insensé, mais c'est parfaitement logique: heureusement, nous croyons en un Dieu qui choisit "ce qui est insensé dans le monde pour faire honte aux sages", un Dieu qui choisit "ce qui est faible dans le monde pour faire honte aux forts." (1 Corinthiens 1.27-29)
Quant à cette partie de moi-même qui pleure avec mes amis et mes voisins, elle est le reflet des paroles du Seigneur. Oui, celles que Jésus lui-même a dites à ses disciples, et qu'il adresse à nous tous aujourd'hui, chaque jour:
"Dans le monde, vous aurez des tribulations. Mais prenez courage; j'ai vaincu le monde." Jean 16.33»