C'était il y a 30 ans. Le 9 novembre 1989, le Mur de Berlin est tombé. L'occasion de revenir sur ce que vivait l'Église persécutée derrière le rideau de fer
L’Église sous le communisme: la naissance de Portes Ouvertes
Le Mur de Berlin a fait son apparition le 13 août 1961. Frère André, le fondateur de Portes Ouvertes, fut l'un des premiers à passer le fameux poste de contrôle «Checkpoint Charlie», l'un des postes frontières de Berlin-Ouest. Il se souvient: «Le flot des réfugiés qui fuyaient le régime communiste a été arrêté en une nuit. Il n'y avait pas d'issue de secours, personne ne pouvait s'échapper. Il en a résulté une vague de suicides, y compris parmi des pasteurs évangéliques. Ils avaient perdu tout espoir.»
Sous le régime communiste, l'Église était isolée et constamment menacée. Un compagnon de Frère André, Johan Companjen (qui devint plus tard président de Portes Ouvertes International), explique: «Les communistes ne toléraient absolument pas les chrétiens. Ceux-ci se sentaient totalement abandonnés. Un pasteur de Hongrie à qui j'avais rendu visite confiait: “Personne ne sait où je me trouve, pas même ma famille. Merci d'être venu”. Et il pleurait, pleurait... La police avait fermé son église et l'avait placé en résidence surveillée.»
Fortifier l'Église persécutée en ex-URSS: le 1er rôle de Portes Ouvertes
Bien des années avant la chute du Mur, Frère André était déterminé à aider cette Église persécutée. Il a commencé une série de visites, faisant passer clandestinement des bibles à travers des points de contrôle, priant pour que les yeux des douaniers soient aveuglés. C'est ainsi que Portes Ouvertes a vu le jour.
Des centaines de milliers de bibles ont pu être livrées. La conviction de ce jeune néerlandais était que les chrétiens victimes de persécutions avaient besoin d'être encouragés par la communion et la force qu'on peut trouver dans la Parole de Dieu.
Parallèlement, il était conduit à faire ce constat: «L’Église persécutée a tellement plus à nous apprendre que nous ne pourrions nous-mêmes lui apprendre. Voir comment elle persévère sous l'opposition, aime Dieu et pardonne à ses détracteurs est quelque chose que nous devons approfondir dans notre société.»
Le courage de Galina, arrêtée par le KGB à 21 ans
En 1979, Galina Vilchinskaya avait 21 ans. Elle avait passé son été à travailler dans un camp pour enfants chrétiens dans la campagne ukrainienne et rentrait chez elle pour se préparer à son mariage.
Mais quand le train s'est arrêté, sur le chemin du retour, des hommes du KGB s'y sont engouffrés. Ils ont arrêté Galina et d'autres responsables, laissant les enfants seuls dans la gare, sans surveillance. À seulement 14 ans, le plus âgé s'est souvenu du nom d'un chrétien de la ville. Cela a suffi pour que tous les enfants du groupe puissent rentrer chez eux en toute sécurité.
Mais Galina a été envoyée dans un camp de concentration à quelques 11.500 km de chez elle. Elle luttait pour sa survie dans ce camp aux conditions insalubres, où étaient enfermés beaucoup de criminels. Sa peau était couverte de boutons, ses dents se déchaussaient et elle avait perdu ses cheveux.
Cependant, malgré les menaces des officiels du camp, Galina continuait de partager l'Évangile avec ses compagnons de détention. Dans la cellule 44, quarante de ses codétenus sont venus à la foi à cause de son témoignage. Elle disait:
«Je ne suis pas venue ici pour être assise tranquillement, les bras croisés sur les genoux. Je suis obligée de parler de Christ.»
Quand les directeurs de la prison découvrirent ce qui se passait, elle fut transférée dans une autre cellule, destinée aux criminels les plus dangereux. À ceux-ci, elle a expliqué qui elle était et a partagé avec eux le peu de nourriture qu'elle avait reçu lors de la visite de membres de sa famille. La première question que lui posa le chef de la cellule fut celle-ci: «Est-ce que tu vas nous apprendre comment prier?»
Galina fut emprisonnée pendant quatre ans. Elle écrivit à ses parents:
«Dans ce désert, je suis davantage attendue que si j'étais en liberté. Ici, il y a beaucoup de gens qui ont une grande soif spirituelle, des parias rejetés par le monde.»
Portes Ouvertes a lancé une campagne de soutien en sa faveur. Des milliers de chrétiens occidentaux ont prié pour elle. Après sa libération, elle a épousé Ivan Shapoval malgré l'opposition du KGB et a commencé une nouvelle vie avec lui en Sibérie. Des années plus tard, la Sibérie a pu jouir de la liberté religieuse. Ivan était devenu pasteur de l'Église baptiste, ils ont eu cinq enfants... et Galina a continué d'organiser des camps d'été pour les enfants.
Une campagne de prière de 7 ans pour le monde soviétique
En 1982, Portes Ouvertes a décidé de donner la priorité à son travail en Union soviétique, en se concentrant sur deux projets essentiels: toucher les dizaines de millions de croyants russes orthodoxes qui n'avaient pas de Bible, et fortifier l’Église dans les républiques musulmanes d'Union soviétique. Ce double effort était soutenu par une campagne de prière de sept années.
Lentement mais sûrement, les choses ont commencé à bouger, et l'impact était perceptible à grande échelle dans le monde politique comme au sein même de Portes Ouvertes. À partir de 1987, un grand nombre de prisonniers religieux ont été libérés des camps de travail et de détention. En 1985, on comptait 340 chrétiens emprisonnés; ils n'étaient plus que 17 en mars 1990.
En 1988, l'économie de l'Union soviétique était en situation de crise. À la recherche de soutien pour son programme de réforme, le président Gorbatchev a promis que, désormais, les chrétiens seraient reconnus comme «citoyens soviétiques, travailleurs, patriotes». On a commencé à rouvrir des églises.
Cette même année, un changement des règles postales a permis que des dizaines de milliers d'exemplaires du Nouveau Testament soient envoyés aux croyants et aux églises de toute l'Union Soviétique.
Frère André a profité de cette ouverture pour obtenir un accord pour offrir un million de copies du Nouveau Testament à l’Église orthodoxe russe à l'occasion de la célébration de son millénaire: à Moscou, il en remit le millionième exemplaire en mains propres au Patriarche Alexis II.
Dès 1982, l'église Saint-Nicolas de Leipzig, en Allemagne de l'Est, avait organisé, tous les lundis soirs, des réunions de prière pour la paix. Au départ ceux qui y participaient étaient une poignée puis leur nombre a grossi, devenant le point de rencontre de tous ceux qui aspiraient au changement. En octobre 1989, environ 70.000 personnes étaient rassemblées devant l'église: c'était la révolution des «bougies et des prières».
9 novembre 1989: la chute du Mur
Un équipier de Portes Ouvertes se souvient de cette journée historique: «Avec un collègue, nous nous sommes engouffrés dans la voiture et avons roulé vers Berlin pour participer à cet événement historique. Quelle joie, quelle réponse aux prières!»
Lors d'une autre visite à Berlin, il raconta à un chauffeur de taxi que des gens, en Occident, avaient prié pendant des années pour que cela se produise. Le chauffeur s'est arrêté et a déclaré, les larmes aux yeux:
«Au nom des Allemands de Berlin, je veux vous remercier pour vos prières; Dieu a répondu à vos prières!»
Matthias Scheiter était un chrétien d'Allemagne de l'Est. Il se souvient de ces événements incroyables de 1989:
«En tant que chrétiens, en Allemagne de l'Est, nous étions soumis à de nombreuses contraintes. Souvent, ceux qui n'étaient pas membres de l'Organisation Nationale de l'Enfance et de la Jeunesse ne pouvaient pas être diplômés du lycée et ne pouvaient donc pas être admis au grandes écoles ou à l'université. Sans être membre du parti, il était difficile d'obtenir un emploi qualifié. Nous savions que des agents de la Stasi (les forces de sécurité) assistaient aux cultes des églises.
Le jeudi 9 novembre 1989 était un jour de travail normal pour moi. Au journal du soir, j'ai entendu que les voyages étaient facilités pour les citoyens de la RDA, avec effet immédiat. Je me suis demandé: “Est-ce que c'est une nouvelle tactique du gouvernement pour apaiser la population?”Jamais je n'aurais imaginé que cette simple annonce déclencherait un élan tel qu'il emporterait finalement le Mur. Des larmes de joie, telle fut ma première réaction.
Ma première pensée fut que cette période, avec toutes ces difficultés, allait finalement se terminer! Dans le même temps, j'espérais pouvoir grandir librement, à la fois en tant qu'individu et en tant que chrétien, sans cette peur continuelle d'être observé. C'était un miracle. Pendant longtemps, un grand nombre de chrétiens n'ont cessé de prier. Je pense que cela explique pourquoi cette révolution s'est produite de façon paisible et sans que le sang coule.
Notre environnement a radicalement changé après la chute du Mur. L'effondrement de l'économie a entraîné un accroissement du chômage. Beaucoup ont été obligés de fuir à “l'Ouest”. Même des chrétiens sont partis et les assemblées se sont réduites. Cependant, malgré les nouveaux défis, les chrétiens étaient reconnaissants pour ce don de la liberté.
La pression extérieure nous avait unis, en tant que chrétiens, dans le domaine personnel et spirituel, de façon plus étroite que maintenant. Nous vivions alors notre foi plus consciencieusement et nous étions reconnaissants du soutien de l'Église de l'Ouest. A présent je voudrais transmettre le même genre d'aide à nos frères et sœurs persécutés.»
Trente ans plus tard, le défi du matérialisme
Galina avait été emprisonnée pendant la période soviétique. Des années plus tard elle a écrit: «Pouvez-vous prier pour les enfants de notre ville? Ces dernières années, il y a eu bien moins d'intérêt pour Dieu, pour la Bible et pour l'Église que pendant le temps qui a juste suivi la chute du communisme. Un bien-être confortable s'est imposé. Les enfants sont si facilement distraits par les choses du monde.»
Frère André constate: «La pression extérieure leur avait permis d'être unis; mais la liberté a entraîné un manque de cohésion. En un sens, ils sont devenus semblables à l’Église d'Occident. Peut-on avoir un message pour les aider dans leur échec alors que nous-mêmes avons échoué?»
De nouvelles restrictions en Asie Centrale
Les années 90 on été synonyme de grande liberté pour toutes les anciennes républiques du bloc soviétique. Mais l'étau s'est à nouveau refermé après 1998 en Asie Centrale.
Depuis le début de cette année, le nombre de procès contre les chrétiens explose. Fin juillet 2019, les pasteurs du Kazakhstan Sergei Zaikin et Maxim Maximov, ainsi que l'épouse de Maxim, Larisa, ont été condamnés pour avoir prié avec imposition des mains et en formulant leurs prières dans d'autres langues. On a prétendu que cela avait provoqué de «sérieux troubles de santé» chez plusieurs membres de l'église. Certains ont donné de faux témoignages contre les Maximov et Sergei Zaikin, si bien que le pasteur Maxim Maximov a été condamné à 5 ans de prison et a vu sa propriété confisquée.
Dans beaucoup de ces pays d'Asie Centrale, la liberté religieuse est restreinte par l'existence de Comités religieux, l'influence des services de sécurité, l'obligation de faire enregistrer les églises et l'introduction d'une législation religieuse contraignante.
Le mouvement s'est en partie accéléré à cause du développement de l'extrémisme islamique dans beaucoup de ces États. D'ailleurs, le groupe État islamique a recruté bon nombre de ses combattants dans cette région. Au Tadjikistan, les groupes islamiques se répandent à cause de la pauvreté et de l'influence de l'Iran.
Une nouvelle Église composée d'habitants locaux
Mais l’Église s'est également développée. En 1989, il y avait moins de 1.000 chrétiens au sein de la population d'Asie Centrale. Il n'y avait pratiquement pas de croyants turkmènes, ouzbeks ou tadjiks. Depuis, une Église autochtone a pris vie et la Bible ainsi que d'autres livres chrétiens ont été traduits dans ces langues.
En Azerbaïdjan, en Tchétchénie, au Kazakhstan, au Kirghizistan, au Tadjikistan, au Turkménistan et en Ouzbékistan, on compte désormais des dizaines, des centaines, voire, dans la plupart de ces pays, des milliers de croyants locaux. Là où il n'y avait guère qu'un exemplaire de l'évangile dans la langue nationale, on trouve désormais des copies du Nouveau Testament et même des bibles complètes.
En Asie Centrale, on a assisté à un remarquable et merveilleux réveil parmi les musulmans. On estime qu'il existe 320.000 croyants d'arrière-plan musulman dans ces pays, sur une population protestante de 322.700 personnes.
Le travail continue
Mais grâce à votre soutien et à vos prières, Portes Ouvertes continue son travail en Asie Centrale, fournissant une aide immédiate aux croyants de la région dès qu'ils sont jetés en prison, exclus de leur famille ou de leur communauté et privés de moyens de subsistance et d'emploi en raison de leur foi en Christ. Nous fortifions aussi l’Église persécutée d'Asie Centrale par diverses actions: distribution de littérature, formations bibliques, formations spéciales pour les enfants, les jeunes et les femmes, actions de sensibilisation et de plaidoyer, formation au ministère, aide aux croyants pour le lancement de micro-entreprises, ministère de présence et soutien dans la prière.